NÉGOCIER UNE NOUVELLE RELATION AUX AUTRES

Dans la vie relationnelle de Patrick, cadre dans une entreprise de communication, il y a eu un avant et un après. «Je détestais avoir à négocier, et ce, que ce soit sur un marché artisanal ou dans mon service, au travail, explique-t-il. Argumenter, pousser l’autre dans ses retranchements, chercher à obtenir ce que je veux me faisaient peur en fait, peur d’échouer.»

Mais Patrick, à travers le livre de Chris Voss, ancien négociateur du FBI qui enseigne désormais cet art difficile (Ne coupez jamais la poire en deux, de Chris Voss et Tahl Raz aux Éditions Belfond), affirme avoir découvert une nouvelle manière d’envisager la négociation… Et donc les relations aux autres. «Car il n’y a pas qu’une dimension marchande dans cette obligation d’argumenter, explique Patrick. En fait, nous passons notre vie à négocier: avec notre syndic d’immeuble, avec nos enfants, nos collègues, ou pour obtenir une chambre mieux placée dans un hôtel… toutes nos relations supposent que nous soyons disposés à le faire, et cela peut même devenir passionnant.» Pourtant ce qu’il garde de sa lecture de Voss figure la fin de la culture du «win win», cette philosophie des années 90 qui part du principe que l’on peut trouver un terrain ou chacun sera content de ce qu’il a obtenu. «En fait, cette carotte illusoire nous empêche d’entrer dans un rapport vrai avec l’autre. Chercher le compromis, c’est d’une certaine manière se débiner.»

DEVENIR LE MIROIR DE CE QU’UNE PERSONNE ÉNONCE

Pour Patricia Raffin-Peyloz, médiatrice à la maison de la médiation (infos www.maisonmediation.fr) il n’y a pas non plus de «compromis» à trouver, pas de «gagnant» ni de «perdant» à instituer chez les personnes qu’elle accompagne. «Notre objectif lorsque nous recevons des parents en conflits avec leurs enfants ou des couples séparés qui ne se parlent plus, c’est que chacun retrouve sa place, avec la liberté de dire JE et sa responsabilité de pouvoir dire ce qu’il veut. En fait, ce qui compte est de maintenir la relation.»

Pour Chris Voss, c’est aussi la condition nécessaire à la réussite d’une négociation : que les besoins fondamentaux des interlocuteurs soient respectés, leur besoin de sécurité et besoin de contrôle. Amener l’autre à prononcer un non au début des échanges lui donne une sensation de liberté qui peut arrondir la suite. «Ensuite on peut passer au «Comment ?» OK, vous ne pouvez pas me donner cette promotion, alors comment gratifier mon travail ?»

De nouvelles informations arrivent alors au fur et à mesure qu’il précise sa pensée; Quelles sont les valeurs de cet autre ? Qu’est-ce qu’il a vraiment en tête ? “«En fait, son approche nous invite à faire une véritable enquête psychologique, à base de curiosité, explique Patrick. C’est un contact profond avec notre interlocuteur qui nous permet de trouver l’accord.»

Chez les médiateurs, rien n’est ainsi plus important que de devenir le miroir de ce qu’une personne énonce, car c’est la reconnaissance des émotions qui permettent d’avancer (lire ci-dessous). « À celui qui est agressif, nous disons «Vous êtes en colère, n’est-ce pas ?», explique Patrick Raffin-Pelloz. Nous ne nous posons ni en juge ni en conseil, et lui faisons savoir que chacun peut interrompre le process à tout moment ».

Chez ceux qui ne peuvent même plus se parler et parfois même se tournent le dos, le tiers médiateur sert essentiellement à reformuler afin que les demandes soient bien entendues. « Monsieur dit qu’il ne peut verser de pension alimentaire en ce moment où il est au chômage, mais il accepte de prendre davantage les enfants en garde quand vous êtes au travail par exemple ».

« Ce n’est pas la lutte d’arguments qui fait avancer une négociation, mais la compréhension de ce que veut réellement l’autre », ajoute Patrick. Vouloir d’abord être reconnu ou respecté, autonome ou remercié… Entrer dans l’univers mental de son interlocuteur fait évidemment la différence car ce que l’on cherche à obtenir de lui, c’est un vrai oui, pas un « oui » de complaisance ou de dégagement. « La compétence magique à ce stade, c’est l’empathie, résume Patrick, celle la seule qui permet de faire aboutir une négociation satisfaisante pour les deux parties ».

En attendant la résolution des échanges, il faut garder à coeur d’avancer. « Nous ne savons jamais quels sont seront ceux qui réussiront à trouver un accord, observe Patrick Raffin-Peyloz. Mais nous savons que, quoi qu’il en soit, il est toujours possible de planter des petites graines, même entre ceux qui sont à ce jour farouchement opposés ».

SOURCE : http://www.lefigaro.fr/sciences/2019/01/04/01008-20190104ARTFIG00288-psychologie-les-cles-pour-reussir-une-negociation.php